Discours du bicentenaire

Le 17 juillet 2016
Discours du bicentenaire de la cloche de l’église retraçant l’histoire de la cloche
Ecrit et prononcé par Martin RAGUIN
Mesdames et messieurs,

Bienvenus dans l’église paroissiale de St-Georges-de-la-Couée. Vous êtes au cœur d’une bâtisse millénaire dont les premières pierres furent posées au XIe siècle. Cette église a été le témoin de mille ans d’histoire de notre village. Elle a accueilli d’innombrables offices et cérémonies. Ses voûtes ont vibré des chants de joie portés par des foules en prière. Elle a recueilli les peines des hommes et des femmes de cette terre du Maine. Elle a soutenu les espoirs de chacun en un monde meilleur. Elle a vu passer des guerres, elle a subi les outrages du temps, elle a résisté aux révolutions, aux intempéries et aujourd’hui, elle résiste à l’oubli. Mille ans après que des hommes dures à la tâche ne creusent ses fondations, notre église est toujours présente au cœur de notre village, solide et surtout fière de faire résonner sa cloche qui rythme notre quotidien et fait, par là même, perdurer une tradition ancestrale. Cette église est l’âme de notre village, sa cloche en est le cœur dont les battements donnent encore de la vie à ces rues devenues désertes au fil du temps.

Plus besoin de montre ou d’essayer de se repérer au soleil ; aux heures et aux demi-heures, elle égrène imperturbablement depuis des décennies le temps qui passe. Depuis 1994, plus besoin de tirer sur la corde pour appeler aux offices ; elle est dorénavant électrifiée et automatisée. Sept heures – midi – 19 heures ; à la volée, elle carillonne pour l’angélus, la prière de l’ange.

Comme un chef d’orchestre battant la mesure, notre cloche rythme notre vie et si elle s’emballe en pleine journée, c’est qu’une cérémonie va avoir lieu en ces murs. Cérémonie rare, très rare de nos jours à St-Georges-de-la-Couée, et qui malheureusement le plus souvent, rassemble des personnes venues accompagner un des leurs à sa dernière demeure.

Le clocher est le véritable symbole d’une paroisse et de son identité. Ne parle t’on pas d’esprit de clocher pour définir une appartenance à un groupe ou à une société ?. Et la cloche qu’elle renferme est un instrument de communication collectif ; elle rassemble les fidèles, elle guide le voyageur perdu, elle rapproche les hommes et elle unit les peuples.

Nous ne savons pas quand la première cloche a été installée dans cette église, mais des documents d’époque attestent qu’à la fin du XVIe siècle, le clocher en abritait deux. Il n’était pas chose facile en ces temps là de réussir la fonte d’une belle cloche, au son clair et puissant. Quand ce n’était pas la coulée qui échouait, comme en 1628, la nature s’en mêlait et détruisait l’œuvre des maîtres fondeurs. En 1629, la foudre transperçât le clocher et causât des fissures à la grosse cloche. Celle-ci fut refondue en 1645.

Mais cette dernière ne restera pas longtemps dans ce clocher. En 1696, Marc Coueffé, procureur de la fabrique, est le parrain d’une nouvelle cloche nommée Georges. En 1732, celle-ci est remplacée par une grosse cloche nommée Georges-Joseph. En 1777 eut lieu dans cette église la bénédiction de deux nouvelles cloches : la plus grosse est nommée Jean-Marie et l’autre Marie-Jeanne-Georgette. Mais celles-ci non plus n’allaient pas animer longtemps la vie du village.

En effet, aux frontières du pays, des troupes menacent la jeune république et les armées révolutionnaires allaient avoir besoin d’artillerie pour repousser les forces étrangères. Afin de fournir du métal à la fabrication des âmes des canons, le 27 brumaire de l’an II, soit le 17 novembre 1793, ordre est donné à la commune de descendre la cloche de la chapelle St-Fraimbault ainsi qu’une des deux qu’abritait l’église paroissiale. Ne restait plus alors dans le clocher que la petite cloche qui n’avait pas d’anses et qu’on ne pouvait pas faire carillonner.

L’église resta ainsi plus de vingt ans sans cloche rendant le village de St-Georges muet et orphelin. Mais il y a 200 ans, plus exactement le 21 juillet 1816, Jacques François Doré, prêtre de la paroisse, bénit en ces lieux une toute nouvelle cloche offerte par le marquis de Courtenvaux, Anne Pierre Elisabeth de Montesquiou Fézensac, et son épouse, Louise Charlotte Françoise le Tellier, descendante directe à la cinquième génération de François Michel le Tellier, marquis de Louvois et en son temps, seigneur de St-Georges. Cette cloche est baptisée Clodoalde-Eloïde, de Marie Augustin « Clodoalde » de Montesquiou Fezensac, fils cadet du marquis de Courtenvaux, et de Marie Joséphine « Eloïde » de Montesquiou, une de ses nièces. Et c’est toujours cette même cloche qui depuis 200 ans rythme la vie du village, annonce à tous les joies et les peines de chacun.

A l’occasion de cette cérémonie du souvenir, il nous semble opportun d’honorer la famille de Montesquiou Fezensac qui fut en son temps une bienfaitrice de la paroisse de St-Georges-de-la-Couée. Nous aurions aimé faire cet hommage en présence de monsieur Aymeri de Montesquiou Fézensac, descendant direct à la sixième génération de Anne Pierre Elisabeth de Montesquiou, mais nous n’avons eu aucune réponse à notre invitation. Que son absence ne nous empêche pas de remercier cette famille qui, au XIXe siècle, a couvert l’église de nombreux et beaux cadeaux.

Le marquis Anne Pierre Elisabeth de Montesquiou Fézensac a été le dernier seigneur des fiefs de St-Georges-de-la-Couée et de St-Fraimbault. La révolution passée, et bien que la famille de Montesquiou n’ait plus aucune autorité sur notre commune, elle n’en continua pas moins à entretenir d’étroites relations avec notre paroisse. Dès 1803, elle offre une nouvelle cloche pour la chapelle St-Fraimbault. Treize ans plus tard, ce sera celle de notre église qui sera baptisée en ces lieux.

Mais au-delà de ces cloches offertes par le dernier seigneur de St-Georges, c’est toute sa famille qui a fait montre d’une grande générosité envers notre paroisse en multipliant les dons : deux calices en cuivre avec patènes, deux ciboires en cuivre doré et argenté, deux ostensoirs en cuivre doré et argenté avec leur lunule, des ornements sacerdotaux, des étoles pastorales, un dais en drap d’or et surtout, le maître-autel qui trône toujours dans le chœur. En outre, Joseph Félix Stanislas Ludovic de Montesquiou Fézensac, un des petits-fils de Pierre de Montesquiou, a donné en 1897 à la fabrique des titres de rentes afin d’assurer à la paroisse des revenus non négligeables. Egalement, la famille de Montesquiou a contribué à la réalisation de travaux d’importance à la chapelle St-Fraimbault, la sauvant de la ruine.

Nous ignorons pourquoi la famille de Montesquiou Fézensac montrait un si grand attachement à notre paroisse, leur château de Courtenvaux étant assez loin d’ici, à Bessé-sur-Braye. Nous ignorons également pourquoi le comte Pierre Joseph Edgard de Montesquiou Fézensac est enterré dans notre modeste cimetière, bien loin des siens. Quoiqu’il en soit, grâce à la grande générosité de cette noble famille, notre église a pu fièrement pendant des décennies exhiber au cours des célébrations religieuses des objets, des vêtements et des draperies qui n’avaient rien à envier aux églises bien nanties. Il reste deux objets de cette période, exposés en ce jour, pour nous souvenir de cette famille généreuse. Mais surtout, au-dessus de nous, il y a cette cloche qui sonna pour la première fois il y a 200 ans.

Je vous parle de Clodoalde-Eloïde depuis un moment et je gage que maintenant, chacun souhaite voir de près cette fameuse cloche et pourquoi pas, la toucher. Malheureusement, il n’est pas possible d’y accéder sauf à grimper une échelle, escalader le dessus des voûtes de l’église dans des marches taillées à même la maçonnerie, passer sous des poutres basses sans se cogner la tête, grimper un escalier branlant, marcher sur des planches à la solidité douteuse avant de pouvoir approcher celle pour qui nous sommes réunis ce jour.

Alors, comme vous ne pouviez raisonnablement pas y monter vous-même, j’ai bravé tous les « dangers » pour vous ramener un film qui va vous montrer notre cloche en action. Avec un peu d’imagination, vous vous sentirez ainsi tout près d’elle, quoique le son émis par le battant frappant la robe de Clodoalde-Eloïde vous aurait certainement fait fuir précipitamment ; croyez-moi, j’en ai fait l’expérience à mes dépends.

Donc, j’ai le plaisir de vous présenter Clodoalde-Eloïde en action quand elle carillonne à la volée (vidéo).

Voilà. A partir de ce jour, quand vous l’entendrez aux angélus, vous pourrez associer au son, l’image de son balancement harmonieux.

La cérémonie en elle-même touche à sa fin, mais la journée ne fait que commencer. Je vous invite à venir découvrir quelques documents et objets exposés en ce jour anniversaire : des reproductions de textes et leurs transcriptions portant sur les délibérations du conseil municipal de St-Georges en 1793 au sujet de la descente des cloches qui doivent être fondues, les actes de baptêmes des cloches de l’église (1816) et de St-Fraimbault (1803), une recopie de l’inscription marquée sur la cloche au moment de sa fabrication, un extrait de l’inventaire des biens de l’église réalisé en 1906 qui répertorie une partie de ce que la famille de Montesquiou a donné à la paroisse, une généalogie simplifiée de la famille de Montesquiou au XIXe siècle qui vous permettra de mieux situer certaines personnes que je vous ai citées, des objets du culte remarquables, dont un calice et un ostensoir qui nous restent des dons faits par la famille de Montesquiou, et vous ne pourrez manquer le maître autel qui fut également offert par cette famille en 1856.

A l’issue de la visite de l’exposition, la municipalité de St-Georges vous invite à un vin d’honneur dans la cour de la salle des fêtes à 12h00. L’association « Les Compagnons de St-Georges » vous proposera ensuite de vous restaurer sur place, si vous le souhaitez, avec un plateau repas. Cet après-midi sera organisée une visite guidée et commentée du bourg après que chacun se sera restauré ; vous y découvrirez l’histoire de certains lieux remarquables, comme cette église où nous nous trouvons actuellement, les manoirs des seigneurs de St-Georges et le domaine de la Boirie. Vous apprendrez comment vivaient les seigneurs du fief de St-Georges-de-la-Couée aux XVIe et XVIIe siècles. Nous ferons ensemble un voyage à travers le temps, de l’antique villa mérovingienne de Sabonarias à la commune de St-Georges-de-la-Couée, en passant par la paroisse de Sanctus Georgius a Laqueo Caudato.

Enfin, pour vous rafraîchir au cours de cette chaude journée, une buvette se tiendra à votre disposition toute l’après-midi dans la cour de la salle des fêtes.

Si vous souhaitez en savoir encore plus sur notre commune, le livre retraçant l’histoire de St-Georges-de-la-Couée depuis le temps des Celtes jusqu’au XXe siècle sera en vente au point buvette. Vous pourrez même avoir une dédicace par l’auteur de cet ouvrage si vous le désirez.

Cette journée de commémoration et de découverte du village vous est proposée par l’association « Les Compagnons de St-Georges » avec le soutien de la municipalité. Notre toute jeune association, armée d’une vingtaine de bénévoles, a pour but de promouvoir le tourisme dans notre commune en faisant connaître à tous l’histoire de St-Georges-de-la-Couée, de ces bâtiments remarquables et des hommes qui ont marqué cette terre de leur empreinte. Elle œuvre à la préservation et la restauration du patrimoine public et privé, tant ancien que contemporain. Actuellement, nous travaillons à la restauration d’un calvaire à l’entrée du village et bientôt, nous entamerons des travaux d’embellissement et de restauration dans cette église avec l’accord des Bâtiments de France.

Si vous souhaitez aider notre association à mettre en lumière les trésors de notre belle commune, une urne est à votre disposition au point buvette pour recueillir vos dons. D’avance, les membres de l’association « Les Compagnons de St-Georges » vous remercient de votre générosité.

Merci à tous d’être venus pour cette commémoration et un grand merci pour toute votre attention. « Les Compagnons de St-Georges » et la municipalité de St-Georges-de-la-Couée espérons que cette journée vous sera des plus agréable et que notre charmant village vous laissera un excellent souvenir.

Encore merci à tous.

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